Position d’EVOLIS sur le projet de restriction des PFAS dans le cadre du règlement REACH

8 août 2023
Cette position est le fruit du travail et de l’engagement des membres du GT EVOLIS [Substances]. Pour rappel, la participation à ce GT est ouverte à tous les membres d’EVOLIS. Le projet de restriction concerne les secteurs qui utilisent des composés perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés, tels que, par exemple, les équipements fluidiques, les machines pour le BTP, les équipements de levage, la robotique et le soudage. Dans notre position, nous demandons avant tout que les restrictions soient basées sur des analyses de risques spécifiques et non sur le principe de précaution étendu à tous les PFAS.   

EVOLIS est la grande organisation des constructeurs de machines et d’équipements technologiques pour toute l’industrie. Nous représentons plus de 600 entreprises, 82 000 salariés et 19 Mds € de CA dont 65 % réalisés à l’export. Nous sommes non seulement membre de comités européens sectoriels mais aussi, au niveau national, de la Fédération des Industries Mécaniques (FIM), de l’Alliance pour l’Industrie du Futur (AIF) et du contrat stratégique de filière « Solutions Industrie du Futur ». Grâce à nos innovations technologiques, nous contribuons à la compétitivité, la modernisation, la digitalisation et le verdissement de toutes les filières : BTP, nucléaire, valorisation des déchets, automobile, aéronautique, agroalimentaire, etc. Parmi les secteurs que nous représentons, ceux des équipements fluidiques (pompes, agitateurs, robinetterie, compresseurs), des machines pour le BTP (terrassement, construction), des engins de levage de charges (chariots élévateurs, grues...) et personnes (plateformes élévatrices), de la robotique et du soudage sont ceux les plus impactés par le projet de restriction des PFAS. Les industries de ces secteurs sont concernées et impliquées par l’impact de leurs activités sur l’environnement et déploient des efforts continus pour adapter leurs pratiques et modèles économiques aux évolutions réglementaires aussi bien que technologiques afin de le réduire. Cette démarche se traduit notamment par la recherche de substances chimiques de substitution économiquement viables et par la maîtrise des risques que présentent celles pour lesquelles aucune alternative n’est disponible.

EVOLIS estime que les évolutions régulières des différentes réglementations applicables aux substances, qu’elles soient utilisées dans des processus de fabrication ou présentes dans des produits manufacturés, doivent garantir voire améliorer la compétitivité des entreprises et l’innovation.

Pour atteindre cet objectif, il est impératif que ces avancées prennent en considération les alternatives disponibles, la capacité des industries utilisatrices à ajuster leurs méthodes, et qu'elles soient harmonisées avec les réglementations multiples applicables à un même produit. Cette nécessité est davantage prégnante dans le contexte de l'économie circulaire, où il est crucial de réévaluer les modalités de valorisation des déchets contenant des substances réglementées.

EVOLIS, en tant que représentant de divers secteurs industriels, souhaite offrir une perspective globale de ses préoccupations, traduites par les 7 points ci-dessous, en tenant compte des implications environnementales, sanitaires et économiques des restrictions proposées.

  1. Approche différenciée pour les PFAS présentant des profils de risque variables

Notre première préoccupation concerne l’approche d'interdiction unique pour un groupe diversifié de PFAS présentant des profils de risque variables. Cette approche apparaît disproportionnée. Nous demandons la prise en compte de profils toxicologiques différents des PFAS, et notamment une approche de la réglementation strictement basée sur les risques. Il existe des substances PFAS qui ne présentent pas de risque pertinent pour l'homme et l'environnement, mais qui garantissent la longévité et la sécurité de nombreux produits industriels et processus de production.

Les fluoropolymères ne sont pas considérés comme des produits chimiques à « chaîne courte » ou à « chaîne longue », mais plutôt comme des polymères à faible risque, ce qui signifie qu'ils sont stables dans l'environnement et ne se dégradent pas. Ils ne se dissolvent pas et ne contaminent pas l'eau, ne peuvent pas pénétrer ou s'accumuler dans la circulation sanguine d'une personne et ne présentent pas de risque considérable pour la santé humaine ou l'environnement. Ils ne sont ni biodisponibles, ni toxiques, ni même mobiles. Ils répondent donc aux critères de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour les « polymères peu préoccupants », car ils ne présentent pas de problèmes de toxicité importants et ne peuvent pas se dégrader en d'autres PFAS.

Les gaz à effet de serre fluorés ne sont pas communément identifiés comme des PFAS. Ces gaz sont des fluides frigorigènes et de performance spécialisés qui offrent des performances élevées et un faible potentiel de réchauffement global (PRG). Ils ne présentent pas de risque considérable pour l'environnement et ne sont pas destinés à être libérés dans ce dernier, sauf dans des applications très spécifiques comme les inhalateurs pressurisés pour le traitement de l'asthme. Ils sont également utilisés dans des systèmes fermés et revalorisés en fin de vie. En outre, les régulations existantes sur les gaz à effet de serre fluorés prévoient un mécanisme de récupération efficace pour toutes les substances concernées. Les alternatives ne présentent pas le même niveau de sécurité pour la santé humaine et l'environnement et des préoccupations ont été soulevées en matière de santé et de sécurité, en raison de leur risque important d'inhalation et d'incendie.

Ces groupes de « PFAS » doivent être exclus de l'interdiction. Une approche tenant compte des profils de risque spécifiques nous apparaît le plus proportionnée et réaliste.

  1. Dérogations 

Sur la base des considérations listées ci-dessous, issues d’une approche bénéfices / risques, de l’état de l’art exposé ci-dessus, et de l’impact économique liés aux options de restriction possibles, nous souhaitons accéder à des dérogations allant jusqu’à 12 ans après la mise en application. Il est à noter que le secteur automobile a obtenu des dérogations de ce type, concernant notamment certains textiles.

  • La restriction proposée par l’ECHA ne fait pas de réelle distinction entre les fluoropolymères (tels que le PVDF, l'ETFE, le PTFCE, le PFA et le PTFE), les fluoroélastomères (tels que le FPM/FKM, FFPM/FFKM, FVMQ) et les autres PFAS. Bien que les fluoropolymères rentrent dans la catégorie des PFAS, des études scientifiques démontrent qu’ils répondent, également, aux critères de l'OCDE sur les polymères dits peu préoccupants ou « PLC » (Polymer of Low Concern). Par conséquent, les fluoropolymères ne devraient pas rentrer dans cette restriction sur les PFAS.
  • Seulement grâce à l’utilisation de fluoropolymères, nos industriels peuvent répondre aux exigences techniques assurant, en même temps, une haute fiabilité mécanique, une adéquate résistance thermique et un niveau d’étanchéité sûr. Cette combinaison de caractéristiques rend impossible, à ce jour, leur substitution par d’autres alternatives, notamment pour les applications critiques énoncées au §3.
  • N'ayant pas de matériaux de remplacement disponibles, il faudra un nombre imprévisible d'années pour la recherche et le développement de tels matériaux. Aucune étude n'existe car, jusqu'à présent, ces substances n'étaient pas considérées comme dangereuses et leurs avantages prouvés en ce qui concerne fiabilité et sécurité. La recherche d'alternatives est un processus risqué sans garantie, coûteux et susceptible de nécessiter de nombreuses années. Ces études peuvent durer jusqu'à 10 ans, voire plus. Une estimation plus précise n'est pas possible à ce stade, mais l'expérience passée dans la recherche s'est avérée très longue et souvent infructueuse. Et enfin, après qu'une alternative appropriée soit disponible, la validation dans le processus de normalisation et son implémentation dans l’industrie peuvent prendre plusieurs années.
  1. Prise en compte de l'économie circulaire

Nous soulignons l'importance de l'économie circulaire, absente de la proposition de restriction. Nous mettons en évidence que les aspects de circularité, tels que la disponibilité des pièces de rechange, le remanufacturing et la réutilisation des produits, auraient dû être intégrés à la proposition. De plus, la révision de la directive sur l'écoconception doit être prise en compte pour assurer la cohérence dans le cadre réglementaire de l'UE régissant la circularité.

Aborder ces aspects contribuera à réduire les déchets et à maximiser la durée de vie des produits.

Dans le contexte de la durabilité, les PFAS rallongent la durée de vie et la fiabilité des produits, en assurant la sécurité des fonctions pour lesquelles elles sont conçues (étanchéité, résistance haute température…), et donc la sécurité des personnes et la protection de l’environnement.

  1. Applications critiques et possibles frein à l’innovation.

Nous demandons également de prendre en compte les apports des PFAS afin d’établir les dérogations nécessaires pour les applications critiques. Certains secteurs, tels que la robinetterie, les pompes, les batteries lithium-ion, la recherche sur l’hydrogène, dépendent actuellement des PFAS pour leurs performances et leur sécurité. Une interdiction immédiate sans solutions alternatives appropriées pourrait entraîner des conséquences catastrophiques. A ce stade n’existent pas des produits de substitution valables pour ces applications.

Les substances alternatives apparaissent moins-disant techniquement, notamment lorsque plusieurs propriétés des PFAS sont nécessaires à la fois (e.g. étanchéité et résistance aux agent agressifs, résistance aux hautes ou bien très basses températures), et économiquement non viables, notamment pour les Pmi. Il nous apparaît que des solutions alternatives doivent être évaluées au cas par cas. Des dérogations pour les applications critiques, telles que le secteur des robinets, pompes, batteries et hydrogène, garantiraient la transition durable vers une énergie plus propre et une plus grande maîtrise de la ressource hydrique, tout en laissant suffisamment de temps pour la recherche et le développement de solutions alternatives adaptées.

  1. Consultation publique des parties prenantes par l’ECHA

Nous sommes également très inquiets: la période de consultation des parties prenantes nous apparaît extrêmement limitée. Étant donné l'étendue de la proposition d'interdiction de plus de 10 000 PFAS, nous estimons qu'une période de consultation plus longue sera bénéfique pour recueillir les contributions complètes des acteurs, et notamment de ceux en aval de la production de PFAS, qui intègrent des articles dans leurs produits finis.

Il apparaît qu’identifier les utilisations des PFAS dans des chaînes d'approvisionnement complexes et évaluer les alternatives potentielles nécessite des efforts considérables. Nous demandons donc une durée de consultation prolongée à 3 ans.

  1. Délai de transition irréaliste

Nous soulignons que le délai de transition de 18 mois pour une interdiction sans dérogation est irréaliste. La conception, la normalisation, la validation, la certification d'articles complexes, garantissant la disponibilité de produits sûrs et durables, nécessitent un délai réaliste. Nous recommandons de prendre comme exemple différents actes législatifs de l’Union où la période de mise en application effective varie entre 3 ans et demi et 11 ans. Le temps long est nécessaire, pour tester et valider les possibles solutions de substitution.

  1. Garantir une surveillance du marché efficace

Nous vous interpellons sur l'importance d'une surveillance du marché efficace pour empêcher l'introduction de produits non conformes sur le territoire de UE. Imposant ce projet de restriction une obligation de résultat, la même obligation vous engage en termes de surveillance du marché: des mécanismes de surveillance robustes doivent être mis en place pour garantir la conformité aux restrictions proposées et des ressources adéquates doivent être allouées pour surveiller et vérifier la présence de PFAS dans les produits, et promouvoir des conditions équitables pour tous les fabricants qui mettent sur le marché européen des produits concernés par ces substances.

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En conclusion, notre réponse vise à aborder les préoccupations de nos secteurs industriels. Nous soutenons la nécessité de protéger l'environnement et la santé humaine des risques liés aux PFAS. Cependant, nous plaidons en faveur d'une approche équilibrée et réaliste qui tient compte des profils de risque différents des PFAS, de la complexité des chaînes d'approvisionnement, qui favorise la circularité, et qui prévoit des périodes de transition et des dérogations suffisantes, le cas échéant. Nous soulignons également l'importance d'une surveillance du marché efficaces pour garantir la conformité réglementaire des produits et, in fine, une concurrence équitable.